Le port de Matarbari au Bangladesh : un projet stratégique au cœur des rivalités régionales
Le port en eau profonde de Matarbari, situé dans le sud-est du Bangladesh, est financé principalement par le Japon via l’agence JICA. Initialement conçu pour desservir une centrale à charbon, le projet a évolué en un port stratégique majeur, dont l’achèvement est prévu en 2027.
Un projet à forte portée économique
Ce port deviendra le premier port en eau profonde du Bangladesh, capable d’accueillir de très grands navires. Il permettra de réduire les coûts de transbordement en évitant de passer par des ports étrangers comme ceux de Singapour ou Colombo. Il favorisera également l’essor du Bangladesh comme hub régional, avec un potentiel de croissance du PIB de 2 à 3 %, et bénéficiera à des pays enclavés voisins comme le Népal, le Bhoutan, et au nord-est de l’Inde.
Des enjeux géopolitiques importants
Le port de Matarbari remplace un projet abandonné à Sonadia, où la Chine souhaitait investir. Ce retrait a été vu comme une victoire stratégique pour l’Inde et le Japon, qui cherchent à contrer l’expansion de l’influence chinoise dans la région, notamment dans la baie du Bengale. Le port de Matarbari est donc perçu comme un outil de contre-influence dans le cadre des rivalités Chine-Inde et plus largement Chine-Quad (États-Unis, Japon, Inde, Australie).
Le rôle ambivalent de l’Inde
Contrairement au Japon, l’Inde n’a pas investi directement dans le projet, mais elle y trouve un intérêt stratégique fort pour sa région du nord-est, mal connectée au reste du pays. Elle bénéficie aussi indirectement de la coopération avec le Japon, son allié de confiance dans cette zone.
La position nuancée du Bangladesh
Le Bangladesh joue une politique de « double hedging » : il se rapproche du Japon et de l’Inde sans pour autant s’éloigner de la Chine, qui reste son principal partenaire commercial et investisseur. Dhaka mise sur le développement économique tout en évitant de s’aligner trop clairement sur un camp dans les rivalités indo-pacifiques. Son document « Indo-Pacific Outlook » (2023) montre cette prudence, axée sur la coopération économique plutôt que sécuritaire.
Conclusion
Le port de Matarbari représente une avancée stratégique pour l’Inde, le Japon et les pays du Quad face à la Chine, mais ne signifie pas un réalignement clair du Bangladesh. Le pays continuera à équilibrer ses relations avec les grandes puissances pour maximiser ses bénéfices économiques.